Sous une couche de saleté peuvent parfois se cacher des œuvres qui n’attendent qu’à être admirées. En témoigne cette somptueuse peinture, aux couleurs vives, découverte sur le plafond du temple Esna, en Égypte.
À une cinquantaine de kilomètres au sud de Louxor en Égypte, le temple de Khnoum à Esna est depuis longtemps laissé en piteux état. Le temps a détérioré l’édifice, construit probablement au IIe siècle avant notre ère dans la rapidité et avec des matériaux de moindre qualité. L’un des derniers temples construits en Egypte a récemment révélé une de ses merveilles. Une riche peinture sommeillait sous une épaisse couche de saleté, de sable et de toiles d’araignées qui recouvrait le plafond. Mise au jour par hasard par des archéologues dans le cadre d’une restauration de l’édifice, elle présente une quarantaine de représentations d’aigles, animal totem et divin de la Haute et de la Basse-Egypte. Le ministère égyptien du tourisme et des Antiquités vient de dévoiler les résultats de la mission archéologique. La salle hypostyle, la seule section du temple qui a été fouillée, a été ajoutée pendant la période romaine et contient des sculptures bien préservées
Une œuvre cachée sous la poussière
C’est dans le cadre d’une mission archéologique germano-égyptienne, financée par le Centre de recherche américain en Égypte, que les chercheurs ont examiné l’édifice. Probablement construit sous le pouvoir lagide, sans doute sous Ptolémée VI (187 av. J.-C. – 170 av. J.-C.), et finalisée sous le règne de Marc-Aurèle, le temple d’Esna est dédié au culte de Khnoum, Heka et Neith, trois divinités majeures du panthéon égyptien. La décoration du temple s’est poursuivie sous le règne de l’empereur Dèce, de 249 à 251. Sous Claudius, c’est la salle hypostyle, contenant des sculptures bien préservées, qui est ajoutée au temple. L’édifice abritait jusqu’alors de riches décors peints, mais rendus invisibles par le temps. Après dépoussiérage des plafonds, 46 aigles colorés, alignés sur deux rangées, se sont offerts aux yeux curieux des archéologues. Mostafa Waziri, du Conseil suprême des antiquités, a déclaré que c’est la première fois depuis 2 000 ans que ces œuvres d’art ont été vues.
Le temple d’Esna est l’un des derniers temples construits en Égypte ©️Wikimedia Commons
Ces illustrations s’inscrivent pleinement dans l’iconographie anthropomorphique et zoomorphique des divinités égyptiennes. Alors que 24 arborant une tête d’aigle représentent la déesse Nekhbet, protectrice de la Haute Égypte, les 22 autres présentent une tête de cobra, faisant référence à la déesse Ouadjet. Sur le côté ouest du temple, les conservateurs ont également découvert une inscription romaine dessinée à l’encre rouge, entièrement recouverte de suie noire, qui remonterait à l’époque de l’empereur Domitien (81 -96 après J.-C.).
Les décors ont révélé des représentations d’aigles, animal symbole de la déesse Nekhbet ©️twitter Egyptian ministry of Tourism and Antiquities
Une découverte inédite pour un temple qui n’avait livré que partiellement ses richesses. Dans les années 1960 et 1970, l’égyptologue français Serge Soniron avait en effet étudié les inscriptions du temple, mais aucun dessin ou image de ce plafond n’était apparu dans ses publications. D’autres découvertes pourraient voir le jour durant cette opération de préservation du site antique longtemps laissé à l’abandon.